La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l’article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
No 1959, Éditions Fleuve Noir.
ISBN 2-266-00013-6
À Jacques BERGIER,
Télépathiquement.
Paul KENNY.
Il va sans dire que les personnages de ce récit sont purement imaginaires – comme est imaginaire l’intrigue à laquelle ils participent – et que l’auteur décline formellement toute responsabilité à cet égard.
Paul KENNY
CHAPITRE PREMIER
Dans la chambre 12 de l’hôpital psychiatrique de Blèves, Louise Barnay lisait, sans y prendre le moindre intérêt, un roman insipide provenant de la bibliothèque de rétablissement.
Blonde, très mince, avec un visage délicat éclairé par des yeux d’un bleu profond, elle avait une expression absente qui déroutait ceux qui la voyaient pour la première fois. Bien qu’elle fût assurément jolie, elle atteignait la trentaine sans avoir jamais éveillé un amour durable dans le cœur d’un homme.
En dehors d’une parente éloignée qu’elle ne voyait que très rarement, Louise Barnay n’avait plus de famille. Dans cette chambré de malade aux murs d’une blancheur obsédante, à la fenêtre garnie de solides barreaux, elle était reprise chaque jour par une crise d’angoisse. Sans recours extérieur, sans appui, comment parviendrait-elle à recouvrer sa liberté ?
En fait, elle n’avait subi qu’un seul examen médical, lors de son arrivée. On ne lui avait prescrit aucun traitement. Peut-être mélangeait-on parfois des calmants à sa nourriture car, en dépit de son perpétuel tourment, elle était moins nerveuse que lorsqu’elle vivait dans son appartement de la rue Boileau, à Paris. Pourquoi l’avait-on internée ici alors que, logiquement, elle aurait dû être envoyée dans une prison ?
Malgré l’horaire rigoureux qui présidait aux activités journalières de l’hôpital, horaire dans lequel une place importante était réservée aux délassements – promenade, musique, lecture, etc. – le temps s’écoulait avec une lenteur infinie. Les multiples demandes d’une entrevue avec le directeur ou le médecin-chef, formulées avec une vigoureuse insistance parfois, avaient reçu l’adhésion polie des robustes infirmiers préposés à la surveillance des pensionnaires. Mais aucune de ces requêtes n’avait jamais eu de suite.
Aussi la jeune femme fut-elle très étonnée de voir pénétrer dans sa chambre, en plein après-midi et alors qu’elle était censée se conformer à la règle de la sieste, un employé en blouse blanche qui prononça d’une voix impersonnelle :
— Voulez-vous m’accompagner au parloir, mademoiselle Barnay ? Il y a une visite pour vous.
Le cœur de Louise tressauta. Une visite ! Pour elle ?…
Elle rejeta son livre d’un geste brusque et, un peu plus pâle qu’à l’ordinaire, elle se leva. D’un signe de tête – elle n’aurait pu articuler une parole – elle montra qu’elle était prête à suivre son cicerone.
Ce dernier s’effaça pour la faire passer devant lui, puis referma soigneusement les deux portes matelassées avant de précéder la malade dans le long couloir désert.
*
À cet instant précis, un homme qui se trouvait dans une pièce au second étage du bâtiment principal de rétablissement vint se poster devant la fenêtre qui avait vue sur la cour intérieure. Il tenait une paire de jumelles dans la main droite et, dans la gauche, un micro relié par un câble à un émetteur ondes courtes posé sur une table.
Tout en observant une voiture arrêtée devant l’un des pavillons, il parla dans le micro :
— On vient de me communiquer par téléphone l’identité de la visiteuse qui a demandé à voir Louise Barnay… C’est une dame Hortense Longeaux… g-e-a-u-x…, née à Tours le 5 mai 1922, domiciliée 6, rue de l’École, à Dreux. S’est déclarée être la tante de Louise Barnay. Vérifiez immédiatement si c’est exact, car je n’ai plus en mémoire le nom des parents encore en vie… Vous m’entendez bien, Tignac ?
Des sons caverneux et nasillards s’échappèrent d’un haut-parleur :
— Parfaitement… Vous pouvez y aller, j’enregistre en même temps sur bande.
— Bon. Passons à la bagnole… C’est une Peugeot 404 noire. Immatriculée… Attendez voir… 6841 BU 78. Oui, c’est bien ça. Et il y a deux types à l’intérieur. Au moins deux… D’ici je ne peux voir qu’une partie des banquettes. Impossible de vous fournir pour le moment un signalement précis de ces particuliers. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ils sont en train de griller une cigarette pour tuer le temps.
L’inspecteur de la D.S.T. s’interrompit, cherchant d’autres détails dignes d’être mentionnés. Son silence finit par impatienter son correspondant qui questionna d’une voix excitée :
— Est-ce que je bouge ? Vous croyez que c’est sérieux ?
— N’hésitez pas, rétorqua vivement le guetteur. Déclenchez le dispositif. Nous ne pouvons prendre aucun risque.
— D’accord, je presse le bouton. D’ailleurs, ce serait plutôt bizarre que la tante Hortense se soit fait accompagner par deux gigolos pour venir dire bonjour à sa nièce qui est cinglée, vous ne pensez pas ?
— M-m. Je serais bien surpris s’il ne se passait pas quelque chose, à la façon dont ça se présente… Ah ! Minute… Un des types descend de la voiture. Apparemment pour se dégourdir les jambes. Taille légèrement supérieure à la moyenne, vêtu d’un imperméable court à boutons de cuir, sans ceinture. Coiffé d’un feutre gris foncé, chaussures noires en cuir granuleux mat. Son visage… Hum… Ce gars-là aurait du sang nord-africain dans les veines que ça ne m’étonnerait pas. Il a le teint brun, mais pas très coloré ; il est glabre, a le nez sémitique, le poil plutôt noir, me semble-t-il.
Le policier se tut, plissa les yeux pour essayer de mieux distinguer les traits de l’homme qui, dans la cour, battait la semelle devant le capot de la voiture.
La voix de Tignac jaillit à nouveau du haut-parleur :
— Attention… Depuis une minute, votre émission est retransmise sur la fréquence d’écoute générale. Voulez-vous répéter en vitesse le signalement de la femme Hortense Longeaux et la description de la voiture ?
— Entendu. Je recommence…
Sans perdre de vue un seul instant les deux individus qui patientaient non loin du portail d’entrée, l’inspecteur reprit depuis le début les informations qu’il avait diffusées dès l’annonce d’une visite pour Louise Barnay.
*
Avec son gardien, la jeune femme pénétra dans le parloir. Elle eut un léger sursaut en reconnaissant sa tante qui, vêtue d’un tailleur en Prince de Galles gris, un sac rouge sous le bras et nu-tête, lui parut plus jeune d’allure que dix ans auparavant.
Hortense Longeaux fixa tout d’abord sur sa nièce un regard soucieux, scrutateur, puis voyant que le comportement de Louise n’avait rien d’étrange, elle hasarda :
— Eh bien, ma pauvre !… Que fais-tu donc ici ?
Cette simple marque de sympathie fit monter des larmes aux paupières de Louise Barnay, mais elle parvint à se contrôler et bégaya, tout en avançant vers sa tante pour l’embrasser :
— Je ne sais pas… Je ne sais pas. Comment as-tu appris ?
Elles s’étreignirent. Discret, l’infirmier sortit de la pièce.
— Par les journaux, chuchota sa parente. On a d’ailleurs donné à ton procès une publicité exagérée. Tu n’avais rien fait de mal, après tout. Qu’on t’ait infligé six mois de prison, c’est déjà un scandale, mais qu’ensuite on t’ait envoyée ici, ça dépasse tout ! On t’a bien traitée, au moins ?
Un sourire résigné se peignit sur les lèvres de Louise.
— Comme une malade. Avec une fermeté patiente et une douceur réglementaire. Je n’ai à me plaindre de rien.
L’expression d’Hortense Longeaux se durcit :
— Tu ne te rends pas compte de ta situation, ma pauvre petite, souffla-t-elle à l’oreille de sa nièce. En prison, tu aurais tiré tes six mois, et puis c’était fini. Ici, on peut te garder aussi longtemps qu’on le voudra : tu n’accomplis pas une peine, tu es prétendument en observation. Ça peut durer indéfiniment… Je ne sais pas qui est à l’origine de tout ceci, mais je suis bien décidée à ne pas laisser se prolonger cette injustice.
Louise Barnay haussa des épaules lasses.
— Que peux-tu faire ? On ne lutte pas contre l’Administration. Ils devront bien me relâcher un jour. Je suis tout de même normale… ou presque. Les médecins finiront par s’en apercevoir.
Sa tante eut un mouvement agacé. Elle répliqua d’une voix contenue :
— Tu es victime d’une machination, voilà la vérité. Dieu sait ce qu’on trame contre toi !
Puis, plus confidentiellement encore, elle ajouta :
— Écoute, Louise, je suis venue te chercher.
Sa nièce tressaillit, ses yeux s’agrandirent.
— Oui, confirma Hortense Longeaux, résolue. Il faut que tu sortes d’ici. J’ai pris les dispositions nécessaires pour te faire fuir et te mettre en lieu sûr. Après, nous tâcherons d’éclaircir toute cette affaire, car on ne m’ôtera pas de la tête que ton internement est irrégulier.
— Mais… balbutia Louise, envahie par une frayeur insolite, on ne me permettra pas de m’évader. Je n’ai pas le droit de…
— Ne t’occupe pas, trancha sa tante. Détends-toi, sois naturelle, c’est tout ce que je te demande. Un hôpital n’est pas une forteresse, et tu ne vas pas rater une occasion unique de te défiler, j’imagine ? Si, par la suite, tu veux te mettre en règle avec la Justice, tu le feras par l’intermédiaire d’un avocat, et quand les choses seront clarifiées. Ici, tu es à la merci de je ne sais quelles manœuvres. C’est intolérable. Alors, consens-tu à m’accompagner, oui ou non ?
Le cœur de Louise Barnay battait à grands coups. Elle fit un effort mental pour sonder le futur mais dut y renoncer : pour elle-même, ça ne marchait jamais. Une voyante est incapable de lire son propre avenir.
— Décide-toi, l’adjura sa tante. Je serai seule responsable de ta fuite, puisque tu es considérée comme une déséquilibrée.
L’éventualité de devoir regagner sa chambre-cellule, d’y vivre, solitaire et claustrée, pendant un laps de temps indéterminé, inspira soudain à Louise une telle répulsion que ses craintes furent balayées en une fraction de seconde.
— Je veux m’en aller, oui, articula-t-elle, les traits crispés, mais… comment vais-je récupérer mes effets, mon sac ?
— Tant pis !… On s’arrangera. Reprends ton calme. Il est normal que tu sois émue, mais ne conserve pas cet air traqué.
Reculant d’un pas, Hortense Longeaux prononça sur un ton plus intelligible :
— J’ignorais si on t’imposait un régime spécial. À tout hasard, j’avais apporté quelques friandises, un peu de lecture, et j’ai tout laissé dans la voiture. Viens avec moi dans la cour… Tu as le droit de quitter le parloir, je suppose ?
Louise Barnay réussit à se maîtriser et à entrer dans le jeu :
— L’infirmier ne me refusera sûrement pas l’autorisation, déclara-t-elle avec un semblant de désinvolture. Je regrette bien que tu doives partir déjà.
— Rassure-toi, je reviendrai, fit sa tante en lui adressant un clin d’œil approbateur et en se dirigeant vers la porte.
Elle ouvrit, vit l’infirmier assis sur un banc dans le couloir. Il se leva aussitôt, croyant la visite terminée.
— J’avais apporté un colis pour ma nièce, lui expliqua l’élégante quadragénaire avec un parfait sang-froid. Ne sachant pas si elle était en état de l’accepter, je l’avais laissé dans ma voiture. Y a-t-il un inconvénient à ce que je le lui offre dans la cour ? Cela m’éviterait de refaire le chemin. Je suis assez pressée.
— Nos pensionnaires ne sont pas en détention, sourit l’homme en blouse blanche avec bonhomie. Mademoiselle Barnay, vous pouvez accompagner madame.
L’interpellée le remercia d’un battement de paupières. Sa tante lui prit le bras et l’entraîna dans le couloir menant au hall d’entrée.
Affectant une allure détachée, l’infirmier les suivit à un intervalle de trois ou quatre mètres. Chaussé de pantoufles à semelles de feutre, il marchait sans qu’on pût déceler le bruit de son pas.
Les deux femmes passèrent devant la cloison vitrée du bureau de réception, où une infirmière préposée aux écritures leur décocha un regard curieux mais ne tenta pas de les intercepter. Après avoir franchi deux doubles portes, elles descendirent les marches du perron. La fraîcheur de l’air allégea leur oppression et les aida à dominer leurs nerfs.
Louise vit un inconnu debout devant la 404, et un autre assis au volant. Le premier jeta négligemment le bout de sa cigarette sur le gravier puis alla ouvrir la portière arrière.
— Ce sont des amis, dit Hortense Longeaux en resserrant légèrement le bras de sa compagne, tandis qu’elles marchaient sans hâte excessive vers la Peugeot, l’infirmier toujours sur leurs talons.
L’homme à l’imperméable souleva courtoisement son chapeau lorsque Louise fut à deux pas de lui. Il tint la portière pour permettre à la tante de monter dans le véhicule, puis il attrapa Louise par la taille et l’enfourna de force dans la voiture, claqua la portière, ouvrit celle à côté du conducteur.
D’abord ébahi, mais réalisant qu’on tentait d’enlever une malade, l’infirmier bondit en avant. Il allait agripper de ses mains puissantes le ravisseur quand un terrible direct à la face le fit chanceler. Son adversaire lui décerna en outre un coup de pied dans le bas ventre et un crochet à la mâchoire. Le gardien, totalement pris au dépourvu, s’écroula sur le sol sans avoir pu faire appel aux techniques habituelles d’immobilisation des forcenés.
L’agresseur, très maître de lui, embarqua dans la 404 qui s’ébranla aussitôt ; elle exécuta un virage sensationnel alors que d’autres infirmiers sortaient en courant des pavillons annexes dans le but assez illusoire de l’empêcher de partir.
La voiture franchit en trombe le portail, bifurqua sur la gauche pour rejoindre la route allant du Mesle à Mamers.
*
— Ça y est ! La bagnole file à fond de train vers la Départementale 4 ! clama dans son micro l’inspecteur juché dans son observatoire. Tignac, mon vieux, jurez-moi que tout est en place ou je réduis le poste en miettes !
— Respectez le matériel, la mèche est allumée, répondit le haut-parleur. Les zones 1, 2 et 3 sont en alerte. Les autres suivront dès que nous aurons une indication sur la direction que va emprunter la voiture.
— Bon. Ça va, je crois que je peux cesser d’émettre : il y a peu de chances qu’ils ramènent la donzelle ici après lui avoir fait effectuer une balade dans la campagne. Pas fâché d’en finir avec cette planque. Je ne sais pas si c’est la contagion, mais à force de vivre dans cette baraque, je commençais à devenir un peu dingue, moi aussi.
— Pas d’histoires. Vous l’étiez déjà, tous les copains sont d’accord là-dessus. Bref, je vous laisse tomber car j’ai les mains pleines. À ce soir !
*
Dans la soirée et dans la nuit, de nombreux messages laconiques convergèrent vers le bureau d’un des directeurs de la D.S.T. à Paris. Ils émanaient de membres des services les plus divers, attendu que des instructions formelles avaient interdit que les occupants de la 404 noire fussent pris en filature. Dans une vaste région du territoire français, des milliers d’yeux avaient recherché les fugitifs ; certains les avaient repérés, observés, signalés.
La gendarmerie, la Sûreté Nationale, les groupes mobiles, des inspecteurs de la Police judiciaire et des agents de la D.S.T. contribuèrent à ce rapport collectif dont seul un haut fonctionnaire eut une vision d’ensemble, et qui établit les faits suivants :
8 octobre. – 16 h. 10. La peugeot 6841 BU 78, ayant quatre personnes à bord passe place de la République à Mamers et s’éloigne par la route du Mans.
16 h. 52. Un motard aperçoit la voiture sur la Nationale 138 bis entre la Croix et Savigné-l’Évêque. Elle roule vers Le Mans.
18 h. 02. Elle longe le quai Louis-Blanc dans cette ville. Est vue dix minutés plus tard avenue Jean-Jaurès.
19 h. 13. Stationne devant un magasin de denrées alimentaires rue Victor-Hugo à Tours. Trois personnes (deux femmes et un homme) sont assises à l’intérieur.
20 h. 00. La voiture traverse Châtellerault.
22 h. 07. Elle circule dans Limoges, prend de l’essence à la pompe d’un garage situé avenue Garibaldi. Quatre personnes à bord.
23 h. 18. La 404 sort de Brive-la-Gaillarde par la route de Cahors, avec quatre passagers.
9 octobre. – 1 h 09. Arrêt devant la gare de Cahors. Le seul homme qui soit descendu de voiture y est remonté avant le départ, six minutes plus tard.
2 h. 05. Signalée au rond-point de la Place de la Libération à Montauban, puis, à un quart d’heure d’intervalle, sur la Nationale 20.
3 h. 32. En stationnement boulevard Bon-Repos, à Toulouse, à une centaine de mètres de la gare. Véhicule vide.
5 h. 10. Un couple formé par Louise Barnay et un de ses ravisseurs monte dans le Barcelone-Express.
Dès que lui parvint ce dernier message, le fonctionnaire de la D.S.T. empoigna son téléphone.
CHAPITRE II
— Bonjour, Coplan, dit le Vieux avec cordialité en tendant sa main par-dessus son bureau à un personnage dont la tête effleurait le globe électrique pendu au plafond. Figurez-vous que j’ai failli vous oublier. Vous vous êtes bien gardé de venir me dire bonjour pendant votre période de détente, hein ?
— Je ne m’y risquerai plus jamais, il y a trop de précédents fâcheux, riposta plaisamment son interlocuteur avant d’exhiber son paquet de Gitanes.
Son chef, refusant d’un geste, se carra confortablement dans son fauteuil. Il examina Coplan d’un œil perspicace, parut satisfait.
— Asseyez-vous, intima-t-il. Mon torticolis me fait souffrir de temps en temps. Inutile de vous demander si vous êtes en pleine forme. J’ai entendu gémir les lames du parquet dans le couloir, avant votre entrée : elles restent silencieuses jusqu’à quatre-vingt-douze kilos, j’en ai fait l’expérience.
Le visage énergique de Coplan s’éclaira.
— Prototype d’observation juste donnant lieu à une déduction fausse, déclara-t-il, amusé. Je portais un magnétophone que je voulais faire réparer au labo, et que j’ai remis à Lefaur avant d’entrer chez vous. Vous pouvez donc soustraire une douzaine de kilos de mon poids présumé.